, Philippe Weissbrodt

Rando à la pointe d'Aufalle

Seuls au monde vers la pointe d’Aufalle…

Il y a des courses qui se font désirer. La saison passée, faute de neige à Ovronnaz, nous substituions la pointe d’Aufalle par Bel Oiseau, au départ de Finhaut. Choix discutable peut-être… nous étions alors montés plus d’une heure et quinze minutes souliers de ski aux pieds (voir le récit du col de la Chenau). Cette année, j’avais pris les devants, allant repérer au début du mois de mars les possibilités du départ de la course.

Si le tracé original était compromis, une alternative devait permettre de partir presque sereinement skis aux pieds. Cinq piolu·e·s et une invitée chaussent donc les peaux et entament une douce ascension par l’arrivée des pistes, pour rapidement bifurquer à droite, alors que les autres groupes de randonneurs à ski partent plutôt vers le lieu dit «Petit Pré» et les dents de Morcles, sur la gauche. On enlève les skis ici pour 50 mètres. Là, il n’y a qu’une fine bande de neige qui permet tout juste de passer à ski. En cet autre endroit, on marche avec douceur, lattes aux pieds, sur un lit d’épines de mélèzes… Rien de grave. Au sortir de la forêt et au moment de traverser la Salentse, on est rassurés : la couche blanche n’est pas très épaisse, mais elle est bien continue. Derrière nous, les nuages soudain s’ouvrent pour nous laisser voir jusque loin, de l’autre côté de la vallée du Rhône, Isérable et le mont Gelé. Le temps est incertain. On jongle entre les nuages, les rayons de soleil et d’étranges flocons… Nous cheminons dans le large vallon de Saille, jaugeant des yeux les affleurements qu’il faudra traverser dans un moment, nous demandant par quel couloir il faudra prendre la chose. C’est finalement par la gauche ! Charlotte ouvrira la marche, suivie d’Anne, et enfin votre serviteur qui achève de damer une trace qui se délite. C’est raide. La pente a déjà été purgée, et la neige n’est pas vraiment agréable (voir la photo de couverture de ce bulletin). Mais on en vient à bout, dans un paysage magnifique. Et on est seuls au monde! La faute au 1400 mètres de dénivelé positif ? ou à la cotation AD+ ? Peu importe. C’est un pur bonheur. Après un petit passage de fraîcheur et de vent – on n’aura pas pris les gore-tex pour rien ! –, le soleil décide d’être avec nous définitivement. La neige, un poil lourde mais avec une belle texture, donne envie d’y faire une descente. Dommage que notre itinéraire plonge ensuite sur les Blettes de Bougnonne à l’exposition a priori moins favorable… Nous poursuivons, tout en consultant qui une carte papier, qui la dernière version sur un écran de «téléphone intelligent». Arrivant près du sommet, chacun y va de son conseil. Charlotte, au casse-pipe, n’est pas très rassurée à l’approche de ce qui lui semble être une belle corniche (et ce sont bien quelques dizaines de mètres qu’il faudrait plonger si on continuait, mais sans le (sa)voir). Elle ne s’avoue pas vaincue, fait une conversion et reprend dans la pente qui raidit. On avance un peu difficilement. Une première couche de neige, instable, se sépare facilement et ça chasse parfois un peu (trop) sous le ski. Nous renonçons aux trente derniers mètres d’ascension et partons à la recherche du passage vers Bougnonne (toujours Charlotte en fait !). La corniche est trop haute, et notre exploratrice nous décrit un couloire abrupte et peu enneigés en-dessous.

On opte alors pour un retour sur nos pas, avec peu de regrets pour ma part, gardant à l’esprit la qualité de la neige qu’on a eue à la montée ! Les manips et changements habituels effectués, on attaque la descente. Tout le monde à la banane ! C’est simplement magnifique et hyper-plaisant à skier. Certes, le couloir purgé de la montée ne sera pas plus agréable à la descente. Mais par la suite, même la neige de printemps que nous rencontrons en perdant de l’altitude reste amusante.

On évitera les lacets du départ, au prix d’un repeautage et d’une centaine de mètres de dénivelé positif supplémentaires, pour joindre le domaine skiable, suivant assez scrupuleusement le tracé du sentier des Crêtes de Saille (invisible sous la neige). Et notre rando se terminera sur la piste de Jorasse dont la piètre qualité de neige n’arrivera pas à effacer le souvenir de cette magnifique journée !